Archives

Los Bastardos

Un muret au carrefour de routes frontalières entre Mexique et Californie. Des hommes en attente sous le soleil déjà implacable, espèrent le passage d’un véhicule de recruteurs. L’arrivée d’un gringo ne provoque pas de panique. Il fait son choix. Pose ses conditions...

Un muret au carrefour de routes frontalières entre Mexique et Californie. Des hommes en attente sous le soleil déjà implacable, espèrent le passage d’un véhicule de recruteurs. L’arrivée d’un gringo ne provoque pas de panique. Il fait son choix. Pose ses conditions. Une musique stridente couvre le marchandage. Quelques hommes grimpent sur la plate-forme. Ceux qui restent en rade semblent résignés. On ne proteste pas contre la fatalité. Scène d’embauche de travailleurs immigrés, de saisonniers, de clandestins. L’aboutissement d’une filière, l’étape décisive vers l’exploitation, la planche de salut. Une impression de déjà vu en fictions ou en documentaires, en provenance d’Amérique latine ou d’autres continents. A nos portes même. Du petit groupe conduit sur les lieux de travail (un terrain vague à aplanir avant d’y édifier une habitation), se détachent les personnalités de Fausto (Ruben Sosa) et Jesùs (Jesùs Moïses Rodrigues), deux acteurs non professionnels à la présence obsédante, découverts au hasard de la rue par Martin Escalante, le jeune frère du réalisateur très impliqué dans le chantier de ses films (cf. la part qu’il a prise à la réalisation de Sangre). La personnalisation de ces deux travailleurs, favorisée par le déclic de l’anecdote, va priver le film de son aspect documentaire et le faire basculer dans l’aventure tragique et l’horreur. Le convoyeur ayant refusé, en fin de journée, de les reconduire à leur point de départ, ils sont abandonnés sans ménagement dans la nature. Fausto et Jesus vont errer en milieu hostile. L’auteur fait allusion au labyrinthe de la solitude d’Octavio Paz. Eméchés, insultés, agressés, ils sentent monter en eux d’irrépressibles pulsions. Le fusil à canon scié que le plus jeune porte dans son havresac devient une promesse de vengeance. Une femme américaine abandonnée des siens, ivre, droguée, offerte (Nina Zavarin) pourrait combler désirs et frustrations du plus mâle des deux « bastardos ». Ce sera le carnage, digne d’Orange mécanique. Sans une ombre de pitié. On reste pétri de stupeur face à la sauvagerie qui nous éclabousse. Avec ce second film, Amat Escalante, s’inscrit, comme Carlos Reygadas dans le renouveau du cinéma mexicain. André Videau
Réalisé par Amat Escalante Avec Jesús Moisés Rodriguez, Rubén Sosa, Nina Zavarin Film français Genre : Drame Durée : 1h30 min Année de production : 2009 Date de sortie : 26 janvier 2009 Distribué par Le Pacte