Archives

Moi, Dieu merci qui vis ici

Dans ce nouvel album de T. Lenain et O. Balez, Moi, Dieu merci qui vis ici, Dieu merci est un gamin angolais contraint de fuir la violence qui ravage son pays. Pour vivre, il fuit, se débrouille pour gagner la France où, quelles que soient les vicissitudes de son quotidien, il est au moins vivant…

Le rapport de la commission Attali pour libérer la croissance prône le recours à l’immigration. La commission Mazeaud, selon Libération du 7 juillet, retoquerait, elle, la politique des quotas et prônerait le fait qu’« une meilleure maîtrise de l’immigration doit être recherchée par des voies empiriques et multiformes » notamment, et toujours d’après le quotidien, en favorisant les va et vient entre les pays d’origine et la France. Pour autant, l’Europe - et la France, du moins officiellement - se claquemure (directive dite « retour » ou Pacte européen). Peu leur chaut les querelles de chiffres, les joutes idéologiques et même les politiques dites de maîtrise des flux migratoires, des hommes et de femmes continuent de débarquer sur les côtes du vieux continent et en France. Ils y cherchent du travail fuyant la misère ou les violences politiques. Ils prennent beaucoup de risques, mettent leur vie en danger, pour devenir clandestins, pour devenirs des sans papiers. « Quand je passe près de vous, je vous effraie ou vous attendris, vous me rejetez ou me maternez, m’ignorez ou me parlez. Je suis tantôt négro, tantôt héros, tantôt le méchant, tantôt l’enfant, tantôt l’ennemi, tantôt l’ami ». Car les enfants ne sont plus épargnés, comme le montre le dernier rapport de la Cimade sur les centres de rétention. Dans ce nouvel album de T. Lenain et O. Balez, Moi, Dieu merci qui vis ici, Dieu merci est un gamin angolais contraint de fuir la violence qui ravage son pays. « Les autres pays regardaient et semblaient dire : tant pis. Pourtant c’étaient eux qui, il y a longtemps, avaient allumé l’incendie ». Passons sur les responsabilités des uns et des autres… Orphelin, blessé, Dieu merci est retenu trois années durant prisonnier par des militaires. Comme souvent en matière d’exil (voir le récent Trans de Pavel Hak publié au Seuil), le gamin est animé par une formidable énergie vitale héritée de son grand-père. Pour vivre, il fuit, se débrouille pour gagner la France où, quelles que soient les vicissitudes de son quotidien, il est au moins vivant ! Dieu Merci fait donc partie de cette catégorie nouvelle, celle des enfants sans papiers. Il erre le ventre creux dans les rues et les squares d’une ville paisible mais indifférente. Comme Dieu merci n’appartient pas à cette « foule de têtes baissées trop habituées à se presser » il porte secours, lui, le jeune exilé, à une vieille femme dans le besoin. L’étranger est aussi un révélateur... Les dessins aux contours appuyés d’Olivier Balez s’inspirent des affiches illustrées. Naïfs en apparence, textes et illustrations regorgent d’informations sur les migrations et l’exil, sans jamais enfermer les lecteurs - petits et grands - dans des schémas corsetés, ouvrant, au contraire, l’horizon des imaginaires. Les pages sont recouvertes de grands aplats de couleurs. Des couleurs simples mais précises et choisies : l’Afrique de la princesse Nzingha est chatoyante. Les ocres, le rouge feu, les tons sombres, mordorés ou noirs disent la guerre, la peur, le danger. Le blanc est celui de la survie, de la vie, celui de l’infirmerie, celui de la vieille dame sauvée par Dieu merci. Quant au bleu de la traversée, il précède le retour de ce même ton brun, le brun de la solitude cette fois. En 2003, chez le même éditeur, les mêmes duettistes publiaient Wahid, un autre livre pour enfants où Wahid, petit garçon métis, avait pour grands pères, deux hommes qui pendant la guerre d’Algérie combattaient dans deux camps opposés. Moi, Dieu merci qui vis ici, puise aux mêmes racines : celles de l’humanisme et de la solidarité. Mustapha Harzoune
Thierry Lenain et Olivier Balez, Moi, Dieu merci qui vis ici, Albin Michel Jeunesse, 2008, 13,50€.