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Le Petit Malik

Dans Harlem d’E. Louis Harris, une habitante du ghetto noir de New York dit au narrateur : “ Ce qu’il nous faut, c’est quelqu’un pour nous montrer qu’il y a un autre monde dehors qui est aussi à nous, et que nous ne devrions pas nous contenter si facilement et si aveuglément de celui-ci. C’est pour ça que j’ai besoin de toi. C’est pour ça que ma fille a besoin de toi. Sinon nous pouvons très bien nous passer de toi. ” L’histoire du Petit Malik, jeune de cité, racontée en tranches de vie, de l’âge de 5 à 26 ans, tourne autour de cette possibilité du choix laissé à chacun.

Dans Harlem d’E. Louis Harris (1), une habitante du ghetto noir de New York dit au narrateur : “ Ce qu’il nous faut, c’est quelqu’un pour nous montrer qu’il y a un autre monde dehors qui est aussi à nous, et que nous ne devrions pas nous contenter si facilement et si aveuglément de celui-ci. C’est pour ça que j’ai besoin de toi. C’est pour ça que ma fille a besoin de toi. Sinon nous pouvons très bien nous passer de toi. ” L’histoire du Petit Malik, jeune de cité, racontée en tranches de vie, de l’âge de 5 à 26 ans, tourne autour de cette possibilité du choix laissé à chacun. Depuis Le Poids d’une âme, son premier roman paru en 2006 chez le même éditeur, Mabrouck Rachedi a montré qu’il savait parler de la banlieue sans désespérer le lecteur, évitant le pathos des démonstrations militantes, évitant l’impasse d’une existence sans lendemain. Il n’ignore rien du quotidien de ses concitoyens placés “ à mi-distance entre misère et soleil ” pour paraphraser A. Camus. S’il livre la part sombre des banlieues, il n’évacue pas pour autant sa part lumineuse, à tout le moins la possibilité du soleil. À l’image de ses personnages, sa plume est alerte, vive et le ton de ses romans balance entre distance et humour. Ces séquences existentielles sont livrées en trois ou quatre pages. Malik y brosse le portrait des proches, celui de sa mère, les amis et quelques figures de la cité… Il décrit le quotidien, les espoirs, les illusions, les échecs… Malik pousse entre ses deux amis, Abdou le “ re-noi ” et Salomon le “ feuj ”, entre : glisser irrémédiablement vers le fond ou s’accrocher et gravir, à contre-courant trop souvent, quelques paliers. Malgré les erreurs, malgré l’inertie du lieu, malgré la reproduction sur plusieurs générations des mêmes handicaps, des mêmes injustices, Malik n’est pas aveugle. Il sait même ce qui serait bon pour lui : “Areski [l’avocat], il habitait le quartier. C’était le genre de personne qu’on voit jamais à la télé pour représenter une intégration réussie. Y avait aussi Bachir le comptable, Madjid l’informaticien, Abdel le propriétaire de la boulangerie, Ramzy le chercheur au CNRS… Pourtant, moi, à dix piges, des gars comme eux, ça m’aurait servi d’exemples. ” La diversité à la sauce footbalistique, rap ou ministérielle n’illusionne plus. Il faut du quotidien, du commun, du droit à l’indifférence. Après bien des échecs et des tentatives trop vite stoppées, Malik a 26 ans. Il est au pied du mur. Va-t-il enfin choisir de laisser “ l’esprit du ghetto ” derrière lui pour aller prendre ce qui, au-dehors, est aussi à lui ? Mustapha Harzoune 1- Eddy L.Harris, Harlem, édition Llana Lévi, collection “ Piccolo ”, 2007.
Mabrouck Rachedi, Le Petit Malik, éd.J.C.Lattès, 2008, 204 pages, 16 €. Site de l'éditeur : www.editions-jclattes.fr